Basse Saâne 2050 : trois chantiers pour préparer l’avenir

Le projet territorial de la basse vallée de la Saâne est désormais doté d’un nom générique, basse Saâne 2050, et les trois volets principaux du projet de recomposition spatiale sont entrés dans une phase active de travaux ou d’actions préparatoires.

Des pelleteuses à Quiberville-sur-Mer

Ça y est, les pelleteuses sont arrivées.

On les a vues à l’œuvre à Quiberville dans les premiers jours de septembre, sur le site où sera édifié le futur « nouvel équipement touristique » qui prendra, à partir de l’été 2023, le relais de l’actuel camping. Situé en zone inondable et sur le parcours du futur méandre de la Saâne, l’actuel camping municipal sera alors démantelé après avoir, pendant plusieurs décennies, enchanté les vacances ou la retraite de milliers d’estivants, dont certains sont devenus des habitués.

Les pelleteuses sont arrivées… C’est donc que les travaux ont commencé, que le chantier est lancé ? Pas exactement. Avant d’en arriver là, quelques formalités administratives s’imposent : un permis de construire à valider, notamment. Les engins qui sont venus faire un petit tour n’ont pas creusé les fondations du nouvel équipement, ils ont « seulement » accompagné le travail des expertes de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) chargées du diagnostic obligatoire du terrain avant le chantier. Avec son godet lisse de trois mètres, la pelleteuse creuse des tranchées selon un plan établi par les archéologues : si on ne trouve rien dans ces tranchées, on rebouche tout et on s’en va. En revanche, si ces sondages mettent au jour des vestiges prometteurs, alors il faudra procéder à des fouilles plus approfondies.

Bien sûr, ce serait formidable de découvrir à Quiberville une tombe princière de l’âge du Bronze ancien (1800-1600 avant notre ère), comme ce fut le cas l’an passé à Giberville près de Caen. Mais voilà : cela décalerait tout le planning des travaux à venir de plusieurs mois ou plusieurs années.

Si les archéologues n’ont pas encore officiellement rendu leur rapport, elles ont quand même fait part oralement de leur butin. Et celui-ci est du genre famélique : trois vestiges de fours protohistoriques, quelques traces médiévales, pas de quoi ordonner des fouilles de grande envergure. Pourtant, les traces de four témoignent d’une occupation ancienne du territoire, et on aurait dû en toute logique trouver d’autres restes de cette occupation. Pour les expertes de l’INRAP, ces vestiges ont dû être emportés, au fil des siècles, par le ruissellement des eaux sur ce terrain en pente.

Quoi qu’il en soit, c’est un feu vert en vue pour la prochaine occupation du site : celle des vacanciers qui viendront profiter de la vue sur la mer et des installations touristiques modernes dont la commune entend doter son nouvel équipement.

Une station d’épuration à Longueil

Encore faut-il pouvoir leur proposer, à ces futurs estivants, des eaux de baignade où ils aient plaisir à venir barboter. Pour cela, il faut garantir que les rejets des habitations du bassin versant de la Saâne soient correctement traités avant que la rivière ne les charrie vers la mer. Or certaines communes sont encore dépourvues de réseau d’assainissement collectif : les rejets sont traités par des fosses septiques individuelles, avec des résultats… inégaux. Avec l’aide d’un financement européen Interreg PACCo, une station d’épuration verra le jour sur la commune de Longueil. Le transformateur électrique qui permettra d’alimenter le chantier, puis la station est déjà installé. Les travaux proprement dits sont sur le point de démarrer. A l’échelle de la basse vallée de la Saâne, ce n’est pas un petit chantier : 24 500 mètres linéaires de canalisations gravitaires vont être créés, 16 postes de refoulement, 760 branchements neufs vont être posés et autant, déjà existants mais défectueux, vont être réhabilités.

Pour son fonctionnement, la station produira elle-même une partie de son électricité : des panneaux photovoltaïques y pourvoiront. Pour traiter les déchets organiques de chantier, les maîtres d’œuvre ont fait appel à des spécialistes reconnues : un poulailler sera installé sur le site, de même que de deux ruches connectées, trois hôtels à insectes, cinq à dix nichoirs à oiseaux, trois abris à hérissons, deux abris à écureuil, deux abris à chauves-souris et quatre abris à crapauds et grenouilles. Une plateforme de visite permettra d’organiser des visites pédagogiques de la station et de cette mini-arche de Noé échouée à quelques encablures de la mer.

Quand Soléa sera en fonctionnement, la basse vallée de la Saâne bénéficiera d’un assainissement efficace, gage de milieux aquatiques en bonne santé, donc d’un cadre de vie de meilleure qualité et d’eaux de baignades sûres.

Des inventaires de biodiversité

Car la préoccupation de la biodiversité est partout présente dans les actions conduites dans le cadre du projet territorial de la basse vallée de la Saâne. Biodiversité terrestre, mais aussi biodiversité aquatique. C’est pour cela qu’à la mi-septembre, les habitants de Sainte-Marguerite-sur-Mer ont pu voir, au milieu de la rivière, de drôles de pêcheurs équipés de waders (salopette imperméable s’étendant du pied à la cuisse, à la poitrine)

et, en guise de canne à pêche, d’une sorte de pompe qui prélevait de l’eau puis la rejetait après passage dans un filtre. Renseignement pris, ce n’était pas des poissons que les pêcheurs cherchaient à attraper, mais seulement… leur ADN. Cette collecte d’ADN environnemental vise à inventorier toutes les espèces présentes dans les eaux de la Saâne. Simultanément, d’autres techniciens réalisent des inventaires sur d’autres groupes : oiseaux, insectes, flore… Cette étude faune-flore réalisée sur les quatre saisons permettra de renseigner le dossier en vue de l’autorisation environnementale préalable au troisième grand volet du projet basse Saâne 2050 : le méandrage de la rivière et sa connexion à la mer via un pont-cadre qui se substituera à la buse actuelle. A l’issue du projet territorial, la basse vallée de la Saâne ne sera pas redevenue l’estuaire qu’elle fut il y a quelques siècles, mais elle sera prête à affronter les décennies à venir, et leur contexte de dérèglement climatique.